Festival de Musique Contemporaine - Rome
22 - 29 mai 2016
INTERPRÈTES
Monica Jordan, voix
Dominique Clément, clarinette
Christophe Roy, violoncelle
Anthony Millet, accordéon
Sylvie Drouin, piano
Jean-Charles François, percussion
Louis Clément, régie générale et lumière
Céline Grangey, son
Jean-Pierre Drouet, Vie de famille (1999)
pour voix, clarinette, violoncelle, accordéon, piano et percussion
Vie de Famille, par séquences, par fragments, par facettes, comme des « photos » sonores, inspirées de comportements qui semblent familiers, et à première vue indolores. Comme une anesthésie qui traverserait l'univers mental des membres d'une famille, les musiques tissent des « tissus » rassurants, comme la succession des saisons quand on est enfant. Rien ne laisse à penser que sous ce linge (linceul ?) sonore qui recouvre les tournures mélodiques naissantes (comme les housses les meubles de campagne), se nouent des drames, des tensions, des tragi-comédies. L’humour et la douceur de certaines séquences nous trompent.
Mais soudain, comme sortis d'une rencontre furtive dans l'ombre, certains « gestes » musicaux se développent et créent des personnages. Leur comportement sonore, leurs récitatifs, nous paraissent tantôt étranges, tantôt reconnaissables. Ils avancent souvent masqués. La musique leur fournit ce masque. Ils semblent fragiles, telles des créatures en porcelaine, n’éprouvent pas de sentiments, n’obéissent pas à une dramaturgie prévisible. Mais il suffit qu’un rayon de soleil vienne les faire briller, et à travers leur masque devenu transparent, on devine leurs tourments, leur envie de pouvoir, leur haine. Seule la vie de famille « tranquille » peut engendrer des atrocités aussi rentrées.
Alors il y a des crises, des passages à l'acte, que la musique alimente d'une manière distante et ironique. Coups de folie, écrits, maîtrisés, sortes d'explosions virtuoses. Personne n'en sort intact, même quand la porcelaine revient, elle sonne autrement. Le quotidien sonore, anodin et trompeur du début est désormais teinté de ces batailles sanglantes que ces personnages ont fantasmé tout au long de la pièce.
Le compositeur déroule ce chapelet doucement, posément, presque « objectivement ». Grâce à sa totale maîtrise du parcours, il nous amène, comme sous hypnose, à travers les replis de ce « corps » composite et paradoxal qu’est : La vie de famille.
Georges Aperghis